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We are Civilians : réaction d'Amnesty International France sur la polémique suivant l'annulation de la soirée au Théâtre du Châtelet

Communiqué d'Amnesty International du 14.03.2024

Face aux récentes publications nous mettant ouvertement en cause après l’annulation de notre soirée We are Civilians au Théâtre du Châtelet, nous souhaitons revenir sur les faits.

 

Pleinement conscients de l’émotion générée par la situation, nous tenons tout d’abord à exprimer notre compréhension vis-à-vis de toutes les personnes qui partagent notre combat en faveur de la défense des droits humains et de la liberté d’expression. 

Un certain nombre de contre-vérités ont été diffusées ces derniers jours, mettant directement en cause les fondements mêmes de notre raison d’être : nous rappelons que nous ne faisons aucune discrimination entre les victimes et que notre cadre de référence est le respect du droit international. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons revenir aux faits concernant l’annulation de cette soirée au Théâtre du Châtelet. 

Rassembler pour la protection des populations civiles

L'objectif de cette soirée,  co-organisée avec le Théâtre du Châtelet, était de rassembler des personnalités artistiques d’horizons et univers différents, voire divergents, mais toutes unies par le souhait de proposer une performance artistique permettant d’évoquer le sort de toutes les populations civiles victimes du conflit en cours, qu’elles soient Israéliennes ou Palestiniennes. Toutes ces populations civiles, qu’elles soient sous les bombes ou retenues en otage à Gaza, sous la menace de la violence des colons et de l’armée en Cisjordanie ou sous celle des roquettes en Israël, injustement détenues dans les prisons israéliennes, ont en commun d’être victimes de violations gravissimes du droit international ; nous voulions avant tout mettre en avant le besoin de protection et de justice pour toutes et tous. 

L'organisation d’une telle soirée a été très difficile, à l’image de la situation dont elle entendait traiter et de l’extrême polarisation du débat en France sur ce sujet. Nous le savions et c’était aussi notre ambition dans un contexte de quasi-absence de dialogue : réunir le temps d’une soirée un panel diversifié dans un objectif de contribuer à un débat apaisé. 

Nous étions parvenus à un programme fort, permettant de couvrir ces sujets d’une atroce réalité, non seulement avec des artistes, mais aussi des organisations humanitaires ou de défense des droits humains. Contrairement à ce qui a pu être écrit, le sort des otages israéliens devait être évoqué par plusieurs intervenants, dont nos collègues d’Amnesty International Israël qui faisaient le voyage depuis Tel-Aviv.  

Un équilibre remis en cause

Trois jours avant la soirée, à un stade très tardif donc, ce délicat équilibre a été remis en cause par un ensemble d’artistes nous informant qu’ils ne souhaitaient plus monter sur scène en raison de la présence d’une de nos invitées, Emilie Frèche, et au regard de divergences profondes. Face à cette impasse, nous avons d’emblée songé à l’annulation. Mais en raison de l’avancement des préparatifs de l’événement, de l’ensemble des artistes et intervenants mobilisés, et de la salle qui se remplissait, manifestant ainsi un intérêt fort du public pour la soirée, il semblait impossible au Théâtre du Châtelet d’annuler l’évènement. Nous n’avons pu nous résoudre à abandonner le projet de cette soirée qui représentait une occasion quasiment unique. C’est là qu’a été notre erreur et nous l’admettons sans ambiguïté.

Pris par le temps et la complexité du moment, nous avons pensé à tort qu’il était acceptable de maintenir cette soirée dans ces conditions, en entamant un échange avec l’invitée contestée, et en essayant de réaliser cet événement sans elle. Nous n’aurions pas dû proposer cette option et nous aurions dû refuser de la désinviter, même si cela signifiait l’abandon de notre projet. Nous le regrettons sincèrement et lui présentons de nouveau nos excuses ainsi qu’à l’ensemble des intervenants initialement prévus. Nous aurions immédiatement dû annuler la soirée, ce que nous avons finalement décidé de faire quelques heures plus tard.  

L’urgence reste la protection des populations civiles et l’appel au cessez-le-feu

Nous déplorons cette situation qui fragilise notre travail de défense des droits humains pour donner la parole aux victimes et obtenir justice. Aujourd’hui l’urgence est toujours, et plus que jamais, celle de la protection des populations civiles et de l’appel au cessez-le-feu : il est crucial que l’attention de l’opinion et des médias ne soit pas détournée de cette situation dramatique par l’échec de cette soirée et la polémique qui l’accompagne.

Plus de 30 000 morts à Gaza dont au moins 12. 000 enfants, une situation de famine terrifiante, 130 otages dont le sort reste inconnu et dont les familles vivent dans l’angoisse : ce sont ces urgences-là qui doivent nous mobiliser aujourd’hui, comme elles auraient dû prendre le dessus sur les divergences entre artistes dans le cadre de cette soirée.  

La polémique autour de cet événement et de son annulation, bien loin des réalités insoutenables du terrain, illustre encore une fois tristement l’impossibilité d’un dialogue raisonnable et d’une empathie mutuelle sur la question israélo-palestinienne en France. Le constat est amer, mais nous continuerons de nous battre avec force et sincérité pour que ce dialogue existe, afin de venir en aide à toutes les victimes civiles, obtenir un cessez-le feu, la libération des otages et la justice pour toutes les victimes.   

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